Du haut de notre clocher

La fondation de l’église d’Eterville, remonterait au XIIIe siècle. Arcisse de Caumont, dans sa Statistique monumentale du Calvados (1846) n’est pas catégorique à ce sujet, mais il semble bien que les trois ouvertures en lancette qui ornent le chevet plat de l’édifice permettent de retenir cette datation. A l’opposé, le pignon occidental est percé d’une élégante fenêtre ogivale, à baies géminées, surmontée d’une petite rose. Cette fenêtre peut être attribuée, dit le célèbre historien et archéologue normand né à Bayeux en 1801, à la fin du XIVe siècle, ou au commencement du XVe siècle. Entre ces deux pignons, la nef et le chœur ont été considérablement remaniés au XVIIIe siècle, notamment par l’ouverture de larges fenêtres à arcatures en plein cintre. Les contreforts qui soutiennent les murs sud et nord de l’édifice remontent, pour les plus anciens d’entre eux, au XIVe siècle. La tour supportant un élégant clocher à bâtière, adossée au mur nord de l’église, peut être datée du XVIe ou du XVIIe siècle.

L’intérieur de l’église, dédiée à Saint-Jean Baptiste, ne présente rien de vraiment remarquable, excepté une Vierge à l’enfant en pierre calcaire du XVIIe siècle, découverte fortuitement, en 1900, par le curé de l’époque, l’abbé Niess, sous l’un des autels latéraux du chœur.

L’église d’Eterville est intimement liée à l’histoire du village. Lieu de culte catholique, les prêtres desservants, qui se succèdent à la cure, oignent les nourrissons sur les fonts baptismaux1, marient les adultes à l’autel, et inhument dans le petit cimetière qui entourent l’édifice. Des siècles durant, la cloche de l’angélus rythme, matin, midi et soir, la dure journée des laboureurs et journaliers qui constituent, avec les artisans, menuisiers, charpentiers, toiliers et meuniers du Rocreuil, l’essentiel d’une population qui s’est longtemps maintenue autour de 250 habitants.

Notre petite église de campagne a cependant connu bien des vicissitudes, aux causes parfois naturelles, mais le plus souvent pour des raisons engendrées par l’incurie des hommes.

La foudre tombe sur le clocher, le 12 juillet 1740, sans conséquence notable. Le 30 décembre 1775, un séisme assez important affecte la région de Caen. Il détruit l’église de Cormelles-le-Royal et fait s’écrouler le devant d’autel de l’église d’Eterville. En apparence, l’édifice de notre village n’a que très peu souffert, mais on est en droit de penser que ses fondations ont été en partie ébranlées, car en juin 1788, une délibération de la municipalité fait explicitement référence à « l’état de ruine de la nef de l’église et la crainte d’un événement malheureux ». Le 13 septembre 1789, une autre délibération évoque « l’extrême danger où se trouve la nef de l’église paroissiale ». Quelques semaines plus tard, la mention d’un « devis de travaux à l’église » laisse entendre que les réparations les plus urgentes ont été enfin engagées.

Mais c’est pendant la bataille de Normandie, lorsqu’Eterville s’est trouvée sur la ligne de front, que l’église a subi les pires outrages de son histoire. Une unique photo prise après les combats, montre une charpente complètement mise à nue et fortement endommagée. Le haut du clocher est en partie détruit et les cloches y ont subi de sérieux dégâts, surtout la plus grosse des trois. Le mur nord et celui de la sacristie ont été éventrés, si bien que l’on peut pénétrer, de jour comme de nuit, à l’intérieur de l’édifice, sans aucune difficulté.

Voyant son église ouverte à tous les vents, le curé de Verson, desservant de la paroisse d’Eterville, a pris soin de noter au crayon de bois, sur le chambranle de la porte de la sacristie la mention suivante : « Respectez les ornements, SVP. Les apporter au presbytère à Verson où réside l’abbé Aubert, curé desservant. A. Aubert, curé, 15 août 1944 ». Nous pouvons toujours la lire aujourd’hui. On imagine la détresse du prêtre lorsqu’il a pénétré à l’intérieur de l’église, à son retour d’exode. Sous ses yeux, c’est la désolation : maître-autel endommagé, statues brisées, harmonium hors service, confessionnal en chêne sculpté défoncé, bancs, chaises, fauteuil cassés, fonts baptismaux ébréchés… Un inventaire dressé en 1947 de tout le mobilier détruit ou endommagé par les bombardements de juillet 1944, dépasse les 580 000 francs !

La repose dans le clocher, après restauration, de la grosse cloche, en 1950, symbolise la renaissance de l’édifice et la reconstruction (en cours) du village. Sur la première face, on peut y lire : « Meurtrie par la tourmente de 1944, j’ai retrouvé la vie pour chanter la résurrection de ma vieille église. Du haut de mon coquet beffroi, guéri de ses blessures, je veux annoncer à tous les joies de la paroisse d’Eterville. M. Arsène Restoux, Mme Louis Terrée m’ont acceptée comme filleule. M. Cornille. Villedieu (fondeur) ». Sur la deuxième face, ont été inscrits ces mots : « Année sainte de 1950. Son excellence Monseigneur François Marie Picaud étant évêque de Bayeux ; M. l’abbé Jean Noé, curé doyen d’Evrecy, étant curé d’Eterville ; M. Pierre Phillipe étant maire de la commune ; M. l’abbé Paul Fromage, vicaire desservant la paroisse ; j’ai reçu au baptême le nom d’Andrée, du souvenir de M. l’abbé André Aubert ƚ 1948, ancien curé. »

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1 Les plus anciens actes de baptême, mariage et sépulture, rédigés dans les registres paroissiaux d’Eterville, consultables en ligne sur le site des Archives départementales du Calvados, remontent à 1686-1687.

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